Cet évangile nous choque : comment Jésus peut-il demander à ses apôtres de l’aimer plus que leurs parents et leurs enfants ? Pourquoi cette exclusivité ? A-t-il peur d’être abandonné ? Certes, il en a fait l’expérience, mais le programme qu’il propose : prendre sa croix, perdre sa vie à cause de lui n’a rien d’exaltant. Si je ré-écrivais l’évangile, je dirais : « aimez-moi autant que vos parents, vos enfants et mon chemin est difficile, accompagnez-moi ». Mais ne changeons rien, ce qui est écrit est écrit. Alors, comment comprendre ces paroles aujourd’hui ? Certes, elles ont été écrites en temps de persécution où choisir d’affirmer sa foi était une prise de risque et beaucoup de premiers chrétiens y ont laissé leur vie, mais aujourd’hui, du moins en Europe nous ne sommes plus dans un moment de répression religieuse.
Nous pouvons les entendre comme une invitation pressante à suivre le Christ. Nous sommes croyants, nous voulons être ses disciples et nous tentons de mettre en pratique son évangile. C’est notre boussole. Il nous demande de suivre son chemin, d’aimer à sa manière, de tout donner. La vie de Jésus met en lumière cette ouverture, ce don sans limite. A 12 ans déjà, il dit à ses parents qu’ils ne sont pas l’unique objet de son amour. Il y a Dieu ! Pendant sa vie publique, il va vivre ces deux relations : celle avec son Père et celle avec les autres, apôtres, disciples, personnes rencontrées au fil du temps. Il s’arrête, parle avec tout le monde qu’il soit juif ou romain, percepteur, ou prostituée, riches ou pauvres. Chaque fois, Jésus écoute, relève, ouvre un nouveau chemin, redonne espoir et vie. C’est sa mission. C’est aussi celle qu’il nous confie. Pour le suivre, il faut prendre le même chemin : accueil tous azimuts, don de soi. Accueillir l’autre tel qu’il est, l’écouter, chercher avec lui les signes de vie. Qui accueille l’autre comme cela dit Jésus, il m’accueille, il accueille le Père, Dieu dans sa vie.
Il faut aller plus loin : donner à boire, à manger, autrement dire les éléments essentiels de la vie et nous savons par cœur que le matériel ne suffit pas. Le respect, l’estime, l’amitié et même l’amour sont indispensables à toute personne. Pour nous chrétiens, ils sont les éléments, le chemin de communion avec le Christ.
Qu’en est-il de la récompense ? En avons-nous besoin ? On disait dans le temps qu’il faut gagner son ciel sur terre ! Le don nous suffit parce qu’il nous rend heureux. Il nous met en communion avec l’autre et avec Dieu. Plus avec nous-même, avec ce que nous sommes au fond : des êtres nés pour donner. Mais donner à la manière de Jésus est difficile car il suppose un abandon de soi qui n’est pas naturel. Pourtant, aimer à la manière de Jésus c’est aimer comme il nous aime, c’est faire partie de cette humanité sauvée par le don de sa vie. Heureux sommes-nous d’être sur ce chemin du disciple qui essaie jour après jour de donner de lui-même pour le bien des autres.
Père Jean COURTES