P. de Champaigne
Relisons attentivement cette page d’évangile de Matthieu que nous connaissons bien puisque la dernière phrase « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », est devenue un slogan pour renvoyer des partis-pris dos à dos. Jésus pose problème aux pharisiens par sa parole tranchée, certains de ses gestes qui marquent la foule et ses paraboles dans lesquelles ils se reconnaissent. Ils veulent le compromettre, pouvoir l’accuser en le prenant au piège de ses contradictions. Pas trop courageux, ils envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode. La religion et l’état sont ainsi réunis contre lui. Commence alors la flatterie pour que la question soit encore plus assassine, mais Jésus les connaît et les déroute en demandant une pièce à l’effigie de César. Sa réponse inattendue clôt la discussion.
Souvent nous comprenons par ce passage que les domaines de la religion et de l’état sont séparés. Ils ne s’opposent pas. Nous devons payer nos impôts que cela nous plaise ou non. C’est notre dû à la collectivité. Rien de plus normal ! Mais que devons-nous à Dieu ? Des prières, des actes de foi, d’espérance, des liturgies, le denier de l’Eglise, etc. Nous savons bien que nous ne lui devons rien de tout cela. Autant César est légitime pour nous réclamer un impôt, autant Dieu ne peut le faire. Avec l’état nous sommes dans le dû, avec Dieu nous sommes invités au don. Que lui donner alors ?
Ce texte d’évangile plaide-t-il pour une laïcité à la française bien comprise ? Oui, peut-être, mais l’essentiel du message est ailleurs. Il nous propose de donner à Dieu librement quelque chose que nous ne lui devons pas. Déjà dans l’Ancien Testament, il est dit plusieurs fois que Dieu veut la compassion, l’amour et non les sacrifices. Jésus lui-même rappelle : « Quand tu vas à l’autel et que tu te souviens que tu as quelque chose contre ton frère, laisse là ton offrande et va te réconcilier avec lui, puis vient ». Exige-t-il la prière ? Nous savons bien que non. Par contre, Jésus nous redit que Dieu attend de nous notre reconnaissance. « Il est le Seigneur, il n’y en a pas d’autres et tu l’aimeras » dit le Deutéronome et Jésus nous révèle qu’il est un Père pour tous. A nous de reconnaître cette filiation, ce lien d’amour qu’il inscrit au fond du cœur humain. A nous de reconnaître sa présence aimante dans notre humanité divisée et meurtrie.
Puissions-nous à travers nos amours humains, toucher du doigt le sien et lui répondre par le notre. Puissions-nous vivre concrètement ce double commandement de l’amour de Dieu et du prochain qui est au programme de tout croyant.
Avec l’Esprit de Dieu choisissons le don qui est le chemin de Dieu.
Père jean COURTES