L’évangile d’aujourd’hui est très polémique. Jésus s’adresse aux grands prêtres et aux anciens du peuple et il raconte une histoire où ils sont impliqués. Cette parabole des métayers révoltés résume en effet l’histoire d’Israël avec son Dieu : refus de faire sa volonté, violences et rejets des envoyés divins. Au temps de Jésus cette vision était fréquente pour expliquer les grandes déportations subies (-722 et -587) et l’occupation de la Palestine. Les prédicateurs l’utilisent alors pour appeler à la conversion et annoncer le Messie, celui que Dieu enverra pour sauver le peuple. Dans l’évangile de Matthieu, cette parabole est aussi un appel à la conversion, à croire que Jésus est le Messie attendu, mort sur la croix, ressuscité.
Voilà pour la vision historique. Quelle bonne nouvelle pour nous aujourd’hui ? Si la vigne dans la parabole symbolise le peuple élu, avec Jésus elle représente l’humanité tout entière. Nous sommes cette vigne voulue, aimée de Dieu (relisez le beau poème d’Isaïe, première lecture de ce dimanche). Qui sont les vignerons ? Tous les responsables religieux chargés d’annoncer la présence et l’amour de Dieu pour tous. Non seulement des personnes, mais aussi des institutions quelles que soient les confessions. Quels sont les envoyés du Père ? Tous les hommes et femmes qui par leurs paroles et leurs actes ont voulu réveiller la foi en Dieu de leurs compatriotes. En tout temps, la religion a eu tendance à se substituer à la foi. Celle-ci s’encombre, s’alourdit de règlements, de contraintes, de piété qui peu à peu prennent le dessus et obscurcissent l’horizon et cachent l’essentiel : Dieu Père, Fils, Esprit saint, Dieu amour, Père de tous. Alors, chacun d’entre nous peut remonter le temps et en fonction de ses sensibilités, mettre en lumière des Augustins, Thomas d’Aquin, François d’Assise ou de Sales ; Thérèse d’Avila ou de Lisieux, Vincent de Paul, etc. A la liste nous pouvons rajouter tous ces inconnus de nous qui, par leur engagement pour faire reculer la pauvreté, leur attention aux plus petits et aux plus fragiles, annoncent à leur manière le Royaume de Dieu, car pour eux il est fait de fraternité, d’amour et de pardon. La presse se fait l’écho par exemple de ces évêques et prêtres du Nicaragua emprisonnés à cause de leur foi, en Inde et de ces communautés chrétiennes malmenées par le régime en place, en Italie de ces chrétiens engagés au péril de leur contre la mafia, etc. Quand le pape François interpelle l’Europe sur le sort et l’accueil de migrants, ou le monde entier sur la question climatique, il rejoint cette longue liste des envoyés de Dieu qui réclament plus de paix, de joie et de fraternité dans notre monde. Son exhortation apostolique « Louez Dieu » qui vient de sortir va dans ce sens.
Pour nous chrétiens, le Christ est la pierre angulaire, le roc de notre foi en Dieu. Notre Église est elle aussi fondée sur ce socle et elle est envoyée dans notre monde pour dire et redire sans cesse l’amour et la miséricorde de Dieu pour tous. Comme toute institution, avec l’âge elle a pris quelques habitudes qui nuisent à sa mission d’aujourd’hui. Elle a besoin de faire peau neuve, de retrouver les couleurs d’origine pour parler au monde de Dieu et de l’évangile de manière crédible. C’est le but du synode sur le fonctionnement de l’Église qui a ouvert sa deuxième session le 4 octobre. Petite communauté d’Église prenons notre part à ce changement en profondeur pour que notre témoignage soit fidèle à l’évangile.
Père Jean COURTES