
Pouvons-nous aimer nos ennemis et faire du bien à ceux qui nous haïssent ? Qui accepterait d’être volé sans avoir envie de retrouver son bien ? Qui est capable de ne juger personne ? Ce texte de l’évangile de Luc est bouleversant car il met le doigt sur nos limites extrêmes. Bien sûr, nous pouvons essayer de nous tranquilliser en nous disant que nous n’avons pas d’ennemis au sens fort du terme. En revanche, nous pouvons nommer les personnes qui ne nous aiment pas et qui ne veulent pas nous fréquenter. Ce ne sont pas des ennemis au sens strict, mais ils ne sont pas nos amis ! Avec ses paroles provocantes, Jésus prône un monde nouveau, de nouveaux rapports entre les hommes. Ils sont difficiles à entendre.
Difficiles car nous tenons à la vie et que nous ne voulons pas que quelqu’un nous la prenne. Un exemple : à une réunion de préparation au baptême nous commentons le Notre Père et nous parlons du pardon. Une jeune mère déclare qu’elle est prête à tout pardonner sauf à un prédateur qui s’attaquerait à son enfant. Autour de la table, tous les parents étaient d’accord, sauf que le message évangélique est que Dieu aime tous les hommes et pardonne à tous les pécheurs. Alors que faut-il faire ? Se laisser faire, se laisser dépouiller, ne rien dire ? L’actualité des cas d’abus sexuels dans notre société et dans l’Église nous pousse à répondre NON, bien sûr.
Jésus nous invite à un autre regard. Pour lui, Dieu est Père et tous les hommes sont ses enfants. Pour lui, tous les hommes et les femmes de la terre sont frères et sœurs et ce qui les unit c’est leur rapport à Dieu. Jésus veut ouvrir à une nouvelle compréhension des rapports humains. Il y met au centre l’amour, la reconnaissance, le respect. Il sait bien que l’homme est souvent guidé par ses instincts, son goût du pouvoir et son égoïsme. Il sait bien que Caïn a tué Abel. Mais il sait aussi que Dieu donne toujours une chance de vie au pécheur, comme à la femme adultère par exemple. Bien sûr que le prédateur sexuel doit être condamné et mis hors d’état de nuire, mais il n’en reste pas moins, un frère ou une sœur en humanité.
Ce message est difficile à entendre quand nous sommes pris dans la tourmente, quand nous sommes victimes et que notre vie est écorchée, bouleversée, meurtrie. Pour autant, le message de Jésus est une Bonne Nouvelle, car il nous pousse à sortir de la loi de la réciprocité et à chercher sans relâche, même dans les cas extrêmes, l’attitude humaine et fraternelle. Grâce à l’Esprit de Dieu nous y arrivons parfois.
Père Jean COURTES