Les chrétiens connaissent par cœur ces deux commandements de l’amour. Mais pouvons-nous aimer sur commande ? Aimer n’est-il pas au contraire un acte libre de chacun d’entre nous. Nous ne sommes jamais obligés d’aimer notre voisin ou quiconque, sans pour autant lui vouloir du mal. Sur le Sinaï, Dieu révèle sa présence et explicite son lien avec son peuple (Ex 20, 1ss). Il est l’unique, il n’y en a pas d’autres et il dit son attachement viscéral à ce peuple qu’il a fait sortir d’Egypte et qu’il conduit dans le désert. Présence de Dieu au sein de son peuple, preuve de son amour et de sa fidélité, il attend un retour, une proximité, un attachement. Il ne peut obliger son peuple à l’aimer.
Pour nous chrétiens, Jésus fait basculer définitivement ces commandements en liant avec insistance l’amour de Dieu et de son prochain. En effet, il est de Dieu, il est de nous. Il a le cœur de Dieu, il a notre cœur. Il nous exprime l’amour de Dieu, il dit à Dieu notre amour. Jésus a lié pour toujours ces deux amours qui n’en font plus qu’un. Relisons la parabole dite du jugement dernier en Mt 25, 31ss : « j’avais faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à boire, etc. ; ce que vous avez fait à l’un de ces petits c’est à moi que vous l’avez fait ».
Sans nous culpabiliser, nous savons tous que nous avons des progrès à faire en la matière : le don libre est gratuit de nous-mêmes sans condition, une miséricorde sans limite, une bienveillance spontanée ne sont pas toujours au rendez-vous. Certes, beaucoup d’entre nous font l’expérience de l’amour et ils en sont heureux. Amour conjugal, filial, amis intimes, sont souvent les ressorts de notre vie et ce qui la motive. Mais nous souffrons de nos insuffisances, limites, manque de volonté, etc. Nous avons la certitude que nous pouvons aimer mieux.
Aimer est notre histoire et tant que nous avons un souffle de vie, nous avançons avec cette volonté d’aimer mieux. Aimer s’apprend, car l’élan du cœur s’essouffle un jour et il faut toute notre volonté et notre énergie pour continuer sur ce chemin de l’amour malgré les obstacles. Nous les connaissons, ils sont nombreux ! Notre école pour aimer mieux est l’évangile. Jésus rencontre l’amitié mais aussi la haine. Il rencontre la trahison mais aussi la demande de pardon. Il rencontre l’engouement de ses contemporains, mais aussi la solitude et l’abandon. Chaque fois, nous pouvons en tirer pour nous une leçon. Avec ses disciples, ses proches, quelle patience ! Avec ses contradicteurs pharisiens, quel courage ! Avec la foule quel réalisme ! A chacun d’entre nous d’apprendre en fonction de ce que nous vivons. A chacun d’entre nous d’être vigilants pour rester éveillés et combattre les mauvaises fées ambiantes qui nous poussent à laisser tomber quand cela devient plus difficile. Aimer c’est tout donner et nous n’avons jamais, jamais fini de le faire jusqu’à notre dernier souffle. Voilà une bonne nouvelle !
Père Jean COURTES