Quelle étrange demande des apôtres, comme si la foi pouvait se mesurer, s’augmenter ou se diminuer. Si c’était le cas quel serait l’étalon ? Le temps passé en prière ? à lire la bible ? à servir les plus fragiles et les plus pauvres ? Nous voyons bien que la foi est d’un autre ordre. Qu’est-ce que la foi ? Croire, c’est donner son adhésion à quelqu’un, c’est s’engager dans le dialogue avec quelqu’un que l’on ne connait pas bien, c’est lui faire confiance. Croire comporte toujours le risque d’être déçu.
Quand Jésus appelle ses apôtres, il y a tous ces éléments mêlés. Pierre, Jacques et Jean laissent tout pour le suivre et de temps en temps ils se posent des questions. Est-ce bien lui le Messie, celui que Dieu doit envoyer ? Jésus va d’ailleurs un jour leur demander : « pour vous qui suis-je ? » Paul sur le chemin de Damas va lui aussi être saisi et suivre celui qu’il ne connaissait pas. Croire nous fait changer de registre. Nous ne sommes plus dans la logique, nous sommes dans la relation où se mêlent l’intelligence, l’affectivité, la prise de risque parfois incompréhensible. Croire nous fait entrer dans le domaine de l’estime, de l’amitié et de l’amour.
Comment comprendre alors l’histoire du serviteur qui doit servir son maître au retour d’une dure journée de travail ? Si le maître représente Dieu, celui-ci parait impitoyable et cynique. Comment croire en un Dieu pareil ? Dans l’évangile, Jésus se présente souvent comme le serviteur. Rappelons-nous le lavement des pieds où il va nouer un tablier autour de sa taille et laver les pieds de ses disciples malgré la protestation de Pierre. Rappelons-nous la parabole sur la vigilance où Jésus dit : « Heureux ces serviteurs que le maître à son arrivée trouvera en train de veiller, il prendra la tenue de travail, les fera mettre à table et les servira. » (Luc 12, 37) Jésus nous sort d’un Dieu loin de nous, au-dessus de nous, nous imposant ses vues et ses volontés. Le Dieu qu’il nous présente est celui d’un Père qui aime, qui entre en relation avec nous par alliance et qui fait de nous des fils et des filles. Le Dieu auquel nous sommes invités à croire est celui qui envoie son Fils, qui va se faire serviteur de l’humanité pour la joie de tous. Il est le serviteur inutile car c’est dans sa nature divine de se donner entièrement et gratuitement par amour. Il le fera d’ailleurs sur la croix et Dieu le glorifiera par sa résurrection.
La foi en Dieu, en Christ révolutionne nos vies, elle nous change, nous sort de nous-mêmes pour nous ouvrir à l’Autre, aux autres. Accorder notre confiance en cet Autre, en ce Dieu de Jésus, en ce Père est un levier qui soulève notre vie et nous ouvre à des horizons nouveaux. Croire, c’est aimer et nous savons par expérience que l’amour change nos vies et nous fait faire des choses extraordinaires pour notre bonheur, celui de l’autre et des autres. Que d’exemples autour de nous qui nous le rappelle sans cesse. Prenons-en un seul : Madeleine DELBREL puisqu’à Notre Dame de la Sagesse nous avons le projet de découvrir sa spiritualité cette année. Une fois convertie, elle va mettre sa vie en mode « don-missionnaire » dans son milieu communiste d’Ivry. Elle va dans le dialogue, tisser des liens fraternels qui portent témoignage d’un Dieu amour qui bouleverse une vie. Comme elle, aujourd’hui encore, ils sont nombreux ces serviteurs de Dieu qui disent leur foi au quotidien en aimant, aidant leurs compagnons de route.
Une petite graine de foi, de confiance et d’amour suffit pour changer la face du monde !
Père Jean COURTES