Dans l’évangile de Matthieu, ce thème revient souvent. En effet, Jésus accuse les responsables religieux de rappeler la Loi de Moïse et de ne pas la vivre, pire de faire peser sur le peuple des contraintes qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes. Hypocrisie, double vie, autoritarisme, voilà ce que Jésus dénonce. Il propose une opération vérité pour remettre les choses dans le bon ordre : vous n’avez qu’un seul Père, Dieu et vous êtes tous frères.
Nous pourrions nous dire que cette page d’évangile ne nous concerne plus. Pourtant dans l’Église, hélas, elle a une certaine actualité. Nous le savons des responsables religieux, hommes et femmes ont fait peser sur leurs communautés et certains de leurs fidèles des emprises mortifères. Les exemples sont nombreux et maintenant connus, en France, les frères PHILIPPE avec la communauté des frères de saint Jean, sœur Marie avec la communauté des petites sœurs de Bethléem, Ephraïm avec la communauté du Lion de Juda devenue Béatitudes, etc. L’évangile de ce dimanche nous donne quelques règles simples pour discerner et éviter de tomber sous l’emprise de tel ou tel gourou, malgré ses charismes.
D’abord : vous n’avez qu’un seul Père : Dieu. Dès que tel ou tel responsable religieux se fait l’interprète exclusif de la volonté de Dieu, il y a danger. L’accompagnateur spirituel n’est pas là pour nous dire ce que nous devons penser et décider, mais pour nous accompagner dans notre réflexion afin que nous puissions décider en toute liberté. Autrement dit, il ne peut contraindre notre liberté et annihiler notre jugement. Il ne peut jamais prendre la place de Dieu.
Ensuite, nous avons l’évangile, une Bonne Nouvelle d’amour et de liberté. Certes il faut parfois l’interpréter, mais de nombreuses pages sont libératrices, comme des appels d’air et des ouvertures à la vie. « La vérité fera de vous des hommes libres » ; « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » ; « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique », etc. Il suffit d’écouter cette parole, l’accueillir, pour se laisser accueillir, transformer par elle. Mais alors qu’en est-il des actes de pénitence ? A quoi bon jeûner pendant le carême, pour la paix entre Palestiniens et Israéliens, ou faire des neuvaines ? Si ces actes nous rappellent la présence de Dieu et les personnes que nous lui recommandons, allons-y. Si ces actes sont autocentrés et nous ramènent à nous-mêmes, à une performance sur et pour nous, laissons tomber. Ils ne sont pas faits pour cela.
Enfin, nous sommes tous frères. Les gourous pour maintenir leur pouvoir isolent leurs fidèles. Dans telle communauté, le secret va être érigé en règle absolue, dans telle autre, tout est fait pour que les membres de la communauté se parlent le moins possible, dans telle autre tout est fait pour qu’ils soient coupés de leur famille et de leurs amis, etc. La fraternité est au cœur de l’évangile. Même les chartreux en ont une ! Rappelons-nous : « C’est à l’amour que vous avez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtres mes disciples » dit Jésus.
Il y a bien sûr d’autres règles de discernement, mais celles-ci sont à la base. L’évangile d’aujourd’hui nous invite à la vigilance et de mettre en pratique humblement ce que nous croyons sans l’imposer aux autres, surtout aux plus faibles. Accueillir l’amour du Père, y répondre de notre mieux, pratiquer l’amour fraternel, aider tout un chacun à vivre plus libre et plus épanoui, c’est l’évangile du Christ, la Bonne Nouvelle qui nous est donnée en héritage.
Père Jean COURTES