D’emblée nous lisons cet évangile comme une invitation à la reconnaissance, à dire merci. L’histoire de Naaman est bien celle d’un homme guéri qui revient sur ses pas pour remercier Elisée. Le Samaritain fait de même avec Jésus. Mais voilà que les neuf autres ont sûrement bien accompli ce que Jésus leur a dit de faire sans revenir remercier celui qui était la cause de leur guérison. Dans quel camp nous mettons-nous ? Celui de la reconnaissance ou l’autre ? Est-ce que c’est sur ce terrain que Luc veut nous annoncer une Bonne Nouvelle ? Pas sûr !
Relisons ce passage de Luc. Nous sommes à la frontière entre la Samarie et la Galilée, entre ceux qui croient en la Loi et la pratiquent et les mal croyants que sont les Samaritains. Ils croient en Dieu, s’en tiennent au Pentateuque, mais refusent le Talmud et les rabbins. La lèpre frappait sans distinction religieuse et tous les lépreux de Palestine étaient soumis aux mêmes règles d’exclusion. Or, tous franchissent une frontière : ils s’adressent à Jésus ! La parole va les rapprocher. Quand Jésus leur dit d’aller se montrer aux prêtres, il ne fait que citer le chapitre 14 du Lévitique qui organise la réintégration des guéris de la lèpre dans la société. Tous connaissent le processus, même le Samaritain. Se sentant guéri, il revient sur ses pas comme Naaman pour remercier Jésus. Ce dernier va le relever et le confirmer sur le chemin de sa foi en Dieu.
Voilà, peut-être le message de Luc : Jésus est le chemin qui mène à Dieu. Celui-ci est insaisissable, indicible, nul ne peut le connaître si non le Fils. Venir aux pieds de Jésus, c’est entrer grâce à lui dans la relation à Dieu, dans sa connaissance, dans la communion divine. Pour nous chrétiens, le Christ est celui qui nous fait connaître le Père, celui qui nous fait entrer dans son amour et dans sa vie. Jésus est le seul médiateur, parce que lui aussi est Dieu. Plus nous lisons sa Parole, plus nous fréquentons les évangiles en nous laissant toucher par ce qu’il dit et ce qu’il fait, plus nous entrons la communion de Dieu. Jésus nous introduit dans l’amour de Dieu et dans la Trinité !
Mais alors, pourquoi cette remontrance par rapport aux neufs qui ont accomplis les rites prévus par la Loi ? Là, nous sommes sur une autre frontière, celle qui nous sépare de nos frères juifs. Comme dit saint Paul, la foi au Christ nous affranchit de la Loi et fait de nous des enfants de Dieu. Le chemin de Jésus est celui de la filiation et de la fraternité entre nous. Tout le monde y est invité et peut marcher à son rythme. Nul n’est exclu. En ce temps de Yom Kippour, nous prions avec nos frères juifs le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Mais nous croyons que Jésus est son Fils bien aimé qui nous a ouvert son cœur et son amour. Nos chemins se rejoignent mais sont différents. Le chemin que propose Jésus est universel car il a donné sa vie pour tous les hommes quels qu’ils soient. Pour nous qui croyons en lui, marcher vers lui sur ce chemin c’est nous avancer humblement vers Lui.
Puissions-nous chrétiens nous ressourcer à celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie et témoigner qu’il nous découvre le mystère de Dieu en nous y faisant entrer !
Père Jean COURTES