4ème dimanche du temps ordinaire

30/01/2022

Jésus à la synagogue de Nazareth

Jr 1, 4-5.17-19   |   Ps 70 (71), 1-2, 3, 5-6ab, 15ab.17   |   1 Co 12, 31 – 13, 13   |   Lc 4, 21-30

Ces deux derniers dimanches ont permis d’aborder successivement les thèmes des dons puis de la Parole, une parole qui n’est pas que le récit de temps anciens, révolus, mais qui nous interpelle, nous façonne. Nous récidivons ce week-end avec celui de l’amour qui vient s’y ajouter comme pour synergiser l’ensemble au travers de 4 textes consacrés à la vocation prophétique de Jérémie à qui Dieu s’adresse, à un psalmiste exprimant ressentir précisément ce que le Seigneur dit à Jérémie, à l’hymne à la charité de Paul et à l’évangile de Luc présentant Jésus au sortir du désert au début de son ministère. Tous ont en commun la parole.

Cette parole qui s’adresse à chacun d’entre nous aujourd’hui, nous est parvenue grâce à des porteurs de parole. Ces textes nous racontent les débuts de 2 d’entre eux. Le jeune Jérémie d’abord, pour lequel le texte nous narre sa vocation, l’appel de Dieu. Dieu dit mettre littéralement ses paroles dans la bouche de Jérémie, lui demande de faire des annonces difficiles et l’assure de son soutien indéfectible. Jésus ensuite, au début de sa vie publique, qui fait une annonce, inattendue, étrange, incroyable.

Cette parole qui peut être bien accueillie à ses débuts, le plus souvent dérange, bouscule et déclenche des réactions qui peuvent être vives. Nous en avons l’exemple aujourd’hui dans l’évangile, où à Nazareth, ville de son enfance, Jésus se rend à la synagogue, comme il le fait à chacune de ses étapes au jour du sabbat. Dans le cas présent, il y lit Isaïe 61 1-2 « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi. Le Seigneur, en effet, a fait de moi un messie, il m’a envoyé porter joyeux message aux humiliés… ». A ces « paroles de grâce », les nazaréens, dont beaucoup sont des compagnons d’enfance de Jésus, se montrent d’abord accueillants. Ce n’était sans doute pas la première fois que Jésus assurait une des lectures dans cette synagogue de Nazareth ; mais c’était la première fois qu’il allait y prendre la parole. D’où la curiosité de tout l’auditoire. Ils attendaient une exégèse ; ils entendent une annonce incroyable : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’écriture », une façon d’indiquer à son auditoire que s’ouvre un temps nouveau et que lui, Jésus, en est l’acteur.

Tout de suite, le doute s’installe du fait même du décalage entre cette parole neuve et décapante et le caractère ordinaire de celui qui l’exprime, ce décalage entre ce fils de Joseph, un habitant comme un autre, et cette parole absolument extraordinaire. Jésus pointe très vite le problème et, prenant les devants, énonce à haute voix ce que l’auditoire a en tête : « Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm ; fais donc de même ici dans ton lieu d’origine ! » puis ajoute : « aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays ». Il sensibilise ainsi son auditoire au fait que la parole ne doit pas être seulement entendue, mais aussi accueillie avec un esprit ouvert, sans préjugés. Probablement ce que les habitants de Capharnaüm avaient réussi à faire spontanément, ne le connaissant pas. Matthieu d’ailleurs, dans cette même situation et parlant de Jésus, précise : « et il ne fit pas beaucoup de miracles à cet endroit [Nazareth] à cause de leur manque de foi ».

Alors Jésus va chercher pour eux deux exemples, deux récits tirés de l’Écriture : le récit de cette veuve qui habite à Sarepta, en Phénicie, et le récit de ce général syrien, Naaman. Une phénicienne et un Syrien, deux étrangers qui ont vu l’action de Dieu parce qu’ils ont su accueillir une parole surprenante, une parole qui a changé radicalement leur vie, en permettant à l’une de survivre à la famine, et à l’autre d’être guéri de la lèpre.

Après l’enthousiasme et le doute, la haine des nazaréens est allée jusqu’à vouloir précipiter Jésus du haut d’un escarpement – peut être pouvons-nous y voir se préfigurer ici la Passion du Christ – avec son acclamation à son arrivée à Jérusalem puis la demande de sa crucifixion par la même foule. Mais Jésus « passant au milieu d’eux, allait son chemin » – peut être pouvons-nous y discerner là le Christ en Gloire. C’est un peu comme un résumé de toute la vie de Jésus.

C’est ici que Paul nous éclaire avec son hymne à l’amour. Jésus, comme Jérémie plus tôt, annonce une parole dérangeante, décapante. Cette parole, les nazaréens ne sont pas capables de l’entendre, parce qu’elle remet en question leurs certitudes, en particulier celle de se savoir appartenir au peuple élu, mais également celle de connaitre Jésus le fils du pays.

Paul nous explique que la connaissance vient nous « gonfler d’orgueil » et nous rend incapable d’aimer, qu’elle est partielle, qu’elle évolue avec le temps (et 2000 ans plus tard, la connaissance sur la covid vient nous le rappeler tous les jours).

En regard de cette connaissance, déficiente, il fait l’éloge de l’amour. Et nous retrouvons les dons évoqués dans les textes d’il y a deux semaines. Si nous n’avons pas l’amour, ils ne nous servent à rien. Paul énonce 15 actions très simples, comme rendre service, ne pas s’emporter, pour définir l’amour. Et nous comprenons que c’est dans ces petites actions entre nous, dans cet amour fraternel, que Dieu vient se nicher. C’est là que l’amour du prochain et l’amour divin se croisent pour devenir un seul et même amour.

A force de jauger la vie d’un homme en fonction de son apparence ou de ses capacités, nous ne savons plus voir l’œuvre que Dieu fait en lui ou pourrait faire par lui. C’est donc par l’amour, amour ici vis-à-vis de Jésus, leur compagnon d’enfance, que les nazaréens auraient pu parvenir à faire prendre chair en eux la parole de Dieu, toute bouleversante qu’elle soit, comme elle s’est incarnée en Jérémie et en Jésus.

Enfin, cette parole qui prend chair dans notre cœur, nous n’avons pas à la garder pour nous. C’est ce qui est demandé au prophète Jérémie, comme à tous les prophètes. C’est ce que signifie Jésus dans sa prédication à Nazareth. L’amour dont Paul fait l’éloge est une sortie, une libération de soi, contrairement à par exemple l’orgueil ou la colère qui sont un repli sur soi.

Nous aussi aujourd’hui sommes bousculés dans nos certitudes. La prise de conscience de notre empreinte sur l’environnement en est un exemple. La réforme de l’Église engagée par le pape en est un autre. Sachons puiser au fond de notre cœur cet amour simple et gratuit qui nous permettra d’accueillir notre prochain et les paroles nouvelles.

Mourad BENNOUI, Catherine Thibaut et Jean-Paul PASQUET

Les commentaires sont fermés.