N’enfermons pas Jésus dans des images, des clichés venant de notre catéchisme ou de bandes dessinées de notre enfance. N’enfermons pas Jésus dans quelques scènes évangéliques qui correspondent à notre sensibilité ou à nos choix. N’enfermons pas Jésus dans telle ou telle parole de Jésus dont nous admirons le courage et la pertinence. Non, un homme ne peut se réduire à quelques images, à quelques rencontres ou paroles. Nous sommes beaucoup plus complexes que cela, nous le savons pour et par nous-mêmes. Connaissez-vous votre conjoint, votre enfant, votre ami intime ? Vous étonnent-ils encore après 5, 10, 15 ans ou plus de relations quotidiennes ? Quelle joie quand nous sommes encore surpris après tant d’années, car l’autre est toujours un mystère, c’est-à-dire une réalité profonde et lumineuse dont je m’approche tous les jours un peu plus, que je connais mieux, et que j’ai encore et encore tant à découvrir.
Jésus est un homme libre. Les évangiles nous en découvrent plusieurs visages, parfois contradictoires qui disent tous une vérité sur lui. Le trait commun est de nous décrire un homme qui invente sa vie au jour le jour en fonction de sa vocation et de son lien intime avec Dieu son Père. Dans cette intimité, il va acquérir une liberté profonde vis-à-vis de tous : sa famille, les autorités religieuses et civiles, la Loi, ses disciples, etc. Le « Jésus » des évangiles nous déconcerte car il est à la fois celui qui parle aux docteurs de la Loi et à la Samaritaine, celui qui guérit la syro-phénicienne et qui accepte que Marie-Madeleine le couvre de parfum, celui qui offre son corps et son sang le soir du Jeudi saint et qui ressuscite le matin de Pâques. Ne l’enfermons pas, laissons jouer tout ce que nous savons de lui, car c’est dans l’étonnement du « qui est-il vraiment ? », que nous le découvrirons un peu plus chaque fois.
« Jésus passait au milieu d’eux, allait son chemin » dit l’évangile de Luc. Il poursuit sa route, sa vie dans cette tension entre l’amour de Dieu et l’amour des hommes et des femmes. Cet amour dont parle saint Paul aux Corinthiens, est la clé pour comprendre, plus pour entrer dans le secret intime de cet homme, Fils de Dieu, qui se veut trait d’union, qui inaugure une nouvelle alliance entre Dieu et l’humanité. Pour cela il est libre de tous et de tout. Il aime bien sa famille mais lui assure qu’il faut qu’il s’occupe des affaires de Dieu ; il est attaché à ses disciples, mais leur prédit qu’un le trahira, qu’un autre le reniera et que tous fuiront au dernier moment ; il respecte les religieux de son temps, mais les conteste dans leur interprétation rigoriste de la Loi ; il sait que la foule veut le faire roi, mais refuse le pouvoir.
Pour comprendre Jésus, pour vivre comme lui notre vocation, notre filiation divine, trouvons ce fil, cette raison de vivre qui lui permettait de vivre pleinement : il sait, il sent que Dieu est avec lui et qu’il l’aime et il répond à son amour. Sûr de cet amour, continuons notre chemin de vie.
Père Jean COURTES