Quel évangile spectaculaire ! Du début à la fin, nous sommes pris, captivés, interrogatifs : que va-t-il se passer ? Nous sentons bien les tensions : celle de Jésus avec les juifs qui veulent sa mort, celle de Jésus avec ses disciples qui ne veulent pas qu’il aille en Judée où il n’est pas le bienvenu, celle de Jésus avec les sœurs de Lazare qui lui reproche son retard, celle de Jésus avec la foule qui ne comprend pas sa passivité. Pourtant, Jésus semble serein, comme s’il savait ce qui allait se passer, comme s’il appliquait un plan décidé à l’avance, comme s’il était sûr de l’emporter dans ce duel « à la vie à la mort ».
Attention, ne nous y trompons pas, Jean nous fait un cours de théologie : la mort n’est pas un aboutissement, mais un passage vers la vie éternelle. Jésus est le seul qui peut nous faire passer de la mort à la vie, parce qu’il est « la résurrection et la vie ». Le croyons-nous ? C’est la question de fond. Oui, croyons-nous que le Christ ressuscité nous fait passer dans la vie de Dieu, nous introduit dans cette communion qu’il partage avec son Père ? Croyons-nous que le Christ nous aime autant que Lazare ? Croyons-nous que son amour pour nous est plus fort que la mort ?
Dans cet évangile, l’affectivité est omni présente : il existe un lien très fort entre Jésus, Lazare et ses sœurs. Tout le monde le sait. Alors pourquoi cette lenteur de Jésus ? Peut-être que l’évangéliste veut nous conduire vers autre chose. Et s’il s’agissait pour nous de dépasser ces relations d’amitiés pour percevoir dans ce miracle la gloire de Dieu ! La résurrection de Lazare est la préfiguration de celle de Jésus à Pâques. Elle nous prépare à reconnaitre en lui celui qui fait passer de la mort à la vie.
La mort nous taraude tous. Beaucoup de chrétiens ne croient pas en la résurrection, pourtant elle est au cœur de notre foi. Certes, personne ne peut nous le démontrer et cependant elle est notre espérance. Elle donne sens à notre vie d’aujourd’hui et de demain. Ressusciter, c’est vivre, vivre au-delà de notre mort naturelle. Cet acte ne peut venir que d’ailleurs, que de Dieu. Celui-ci a fait alliance avec l’humanité et il l’a fait gratuitement par amour. Toute la Bible nous raconte cette longue relation, parfois tumultueuse, toujours affective de Dieu avec son peuple. Jésus, Fils de Dieu incarne cette alliance. La résurrection est l’acte de Dieu qui par amour prend son fils dans la mort pour le faire vivre avec lui éternellement. Avec celle de Lazare, Jésus montre la puissance de l’amour de Dieu. Avec ses paroles puissantes : « Sors, déliez-le et laissez-le aller », il l’ouvre à une nouvelle vie. Les liens naturels sont dénoués, une liberté est inaugurée, un avenir est ouvert.
Sans attendre notre dernier souffle, entendons cette force de l’amour de Dieu pour nous, entendons cet impératif : sors de ton tombeau, de tout ce qui t’enferme et te tue, dénoue ses fils qui te tiennent captifs, qui rétrécissent ta vie et va vers une nouvelle vie. A chacun d’entendre l’appel et d’y répondre.
Père Jean COURTES