Voir et croire !  4° dimanche de carême  19 mars 2023

Gustave Doré

D’un bout à l’autre de cet évangile de l’aveugle-né, il est question de vue et de cécité. Parfois il s’agit de la vue physique et de la cécité spirituelle, parfois il est question de voir avec ses yeux et du regard de la foi. Dans ce récit, il y a un renversement : l’aveugle va progressivement voir et croire, alors que les pharisiens qui voient finiront par devenir aveugles spirituellement. Jésus nous dit même à la fin qu’il est venu pour que ceux qui ne voient pas puissent voir et que ceux qui voient deviennent aveugles. Qu’est-ce à dire ? Jésus vient donner à voir et à reconnaitre ce qui ne se voit pas à l’œil nu : l’œuvre de Dieu. Il est venu pour cela !

Jésus voit un aveugle de naissance et lui donne la vue. Ce dernier non seulement voit naturellement mais aussi il verra la vraie nature de Jésus et il croira en lui. « Crois-tu au Fils de l’homme ? Qui est-il pour que je croie en lui ? Tu le vois c’est lui qui te parle. Je crois Seigneur » C’est le chemin de la foi.

Les disciples posent à Jésus la question de la responsabilité du handicap. Qui a péché pour qu’il soit aveugle, lui ou ses parents ? Il faut un responsable pour être tranquillisé ! Jésus les libère : ni lui, ni ses parents. C’est un soulagement : ne cherchez pas de responsable, il n’y en a pas. Il est bon de se l’entendre dire même encore aujourd’hui car nous revenons souvent à la question : pourquoi, qui, comment ? Comme les pharisiens de l’évangile nous voulons comprendre, car nous avons du mal à accepter la réalité. Le malheur innocent existe, il nous touche de près ou de loin et nous en cherchons toujours la cause. Jésus nous dit : il n’y en a pas !

L’aveugle-né qui ne demande rien obéit à l’ordre de Jésus d’aller se laver. Il le fait les yeux fermés, si j’ose dire ! Il va vivre comme un baptême : non seulement il va voir enfin comme les autres, mais il va naître à une nouvelle vie, non seulement il n’a pas péché, mais il voit l’œuvre de Dieu en lui et en Jésus. 

Quel est l’aveuglement des pharisiens ? Pourquoi ne voient-ils pas l’œuvre de Dieu ? Tout simplement parce qu’ils sont très attachés à la forme, aux règles et pas assez au fond, à l’esprit de la Loi. C’est tout le débat entre eux, l’aveugle et ses parents. Les 10 commandements sont d’abord et avant tout l’expression de l’alliance de Dieu avec son peuple. Ils sont comme un lien organique, vital qui les lie pour toujours. Certes, il peut y avoir des contraintes, mais elles sont secondes par rapport à cette relation première, au choix de Dieu. Pour nous, c’est une invitation à revenir sans cesse au fond, aux origines de notre relation à Dieu en Jésus-Christ : nous sommes ses enfants. Tous nous sommes appelés à redécouvrir notre filiation. Bien sûr, notre foi a besoin d’expression, de règles, mais celles-ci ne doivent jamais obscurcir le lien originel, au contraire, elles doivent toujours en rendre compte.

Quel est le vrai miracle ? Celui de l’aveugle-né est le symbole de la libération que Jésus peut opérer pour tout homme et tout peuple : il libère du péché, de toute faute, si nous croyons en lui, si nous acceptons qu’il joue un rôle dans nos vies. Il nous libère du péché en nous ouvrant les yeux sur notre filiation, sur la vie que nous menons, sur l’amour que nous vivons ou que nous ne vivons pas assez. Il nous libère du péché en nous donnant la parole, en nous invitant à l’autonomie, en nous permettant de rendre témoignage. Il nous libère du péché pour nous inviter à la foi en Dieu. Dans notre monde, le vrai miracle n’est-il pas de croire tout simplement ?

Enfin, lisons aussi ce passage de l’évangile en pensant à l’Eglise. Elle a besoin d’être libérée, purifiée sans cesse sur son regard sur les personnes et le monde. Elle a besoin d’ouvrir les yeux pour voir ce que Dieu réalise à travers les hommes et des femmes. Elle a besoin d’être libérée par le Christ qui chamboule tout et qui l’ouvre sans cesse à la nouveauté d’une vie de fidélité et de fraternité. Elle aussi, elle doit faire un chemin de carême, c’est-à-dire de conversion.

Père Jean COURTES

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