Mr et Mme Cléophas racontent aux disciples ce qui s’est passé sur la route d’Emmaüs et comment ils ne l’ont reconnu que le soir à l’auberge à la fraction du pain. Mais lui, il a disparu et le revoilà ! Mais est-ce bien lui ? Ne sont-ils pas dans l’illusion ? Ne vivent-ils pas leur rêve sans lien avec la réalité ? Jésus insiste : regardez, écoutez, touchez, donnez-moi à manger, c’est bien moi et non un fantôme ou un autre. La scène est saisissante, pourtant dit l’évangile, ils n’osaient y croire.
Nous le savons par expérience, la présence dépasse le voir, le toucher, la parole. Bien sûr, ils sont importants pour notre vie quotidienne, mais ils ne sont pas suffisants. Combien de fois nous sentons qu’une personne qui est là avec nous est absente, ailleurs, dans son monde ? Combien de fois, une personne loin, à des milliers de kilomètres, sans contact concret avec elle est très présente ? Même après la mort d’un être cher, une vie continue avec lui ; nous en sommes témoins !
Après la résurrection, Jésus se manifeste à ses disciples de différentes façons pour dire d’abord qu’il est vivant, ensuite que c’est bien lui et pas un autre, enfin que Dieu l’a ressuscité pour réaliser les Écritures, son dessein sur le monde. Au début, quand il se manifeste, personne ne le reconnait d’emblée : Marie-Madeleine le prend pour le jardinier, Mr et Mme Cléophas pour un voyageur, Pierre et quelques disciples pour un pécheur expérimenté. Chaque fois, il va se faire reconnaitre par un geste, un mot, qui fait le lien avec le passé. Chaque fois, ils vont reconnaitre que c’est bien celui qu’ils ont connu, aimé, qui est mort sur la croix. Chaque fois, sa rencontre va retrouver leur foi et leur espérance en lui. Pourtant, ils sont troublés car chaque fois il vient et il repart sans prévenir, sa présence ne dure qu’un instant et non l’éternité comme espéré. Alors, il leur fait le catéchisme, il relit avec eux quelques passages de l’Ancien Testament pour faire le lien avec ce que Dieu fait en lui, pour lui et par lui pour l’humanité. De cela ils sont redevables, ils en deviennent les témoins. Sur la route d’Emmaüs, il leur avait ouvert l’esprit à l’intelligence des Écritures, là, il recommence autrement, par le double geste de la parole et du pain partagé qui deviennent signes de sa présence.
Aujourd’hui, nous vivons toujours de ces deux signes. Le Christ ressuscité est réellement présent dans sa parole, dans les évangiles, qui nous disent son amour et son commandement de vivre tous les jours, la fraternité et la solidarité. Le Christ est réellement présent aussi dans ce partage de son corps et de son sang, ces signes qu’il nous a donné lui-même le Jeudi Saint. Signe mémoire qui le rend présent puisqu’il nous l’a donné pour cela. Le Christ ressuscité est réellement présent afin que chaque fois que nous parlons de lui, chaque fois que nous essayons d’exprimer par des mots, des gestes que nous sommes ses disciples et que pour nous un monde nouveau est possible, grâce au don, au pardon et à la fraternité. Alors, nous pouvons nous souhaiter avec le Christ : « La paix soit avec vous ! »
Père Jean COURTES