Voici un évangile difficile à entendre et à vivre. Jésus met la barre trop haute : comment aimer nos ennemis ? comment souhaiter du bien à ceux qui nous veulent du mal ? comment tout accepter de celui ou celle qui cherche à nous nuire sans rien dire et faire ? Bien plus encore, Jésus nous les présente comme des impératifs, des commandements. Pourquoi cette radicalité ? Rappelons-nous que Luc écrit son évangile en temps de persécution : suivre le Christ, c’est être fidèle à son chemin d’amour inconditionnel qui l’a conduit jusqu’à la croix. Etre chrétien, c’est sortir de la loi du Talion, du donnant-donnant, c’est casser volontairement le cercle vicieux de la violence et de la haine, c’est vouloir délibérément vivre l’amour et la fraternité quoi qu’il en coûte. Etre chrétien c’est parfois dur au quotidien !
Mais avons-nous des ennemis ? Non direz-vous, car vous ne connaissez pas des personnes qui veulent vous tuer, vous voler, vous humilier publiquement. Pourtant, nous connaissons bien ceux qui ont du mal à nous accepter tels que nous sommes, ceux qui ne ratent pas une occasion de nous faire des remarques désobligeantes, ceux qui se passeraient facilement de notre présence, aussi bien au travail, en famille, dans le voisinage, etc. Ces « petits ennemis », l’évangile nous demande de les aimer, c’est à dire de ne pas les enfermer, les réduire aux griefs qu’ils nous reprochent, à les regarder comme des frères et sœurs en humanité. Essayons de les regarder pour ce qu’ils sont, de comprendre pourquoi notre présence les blesse. Peut-être arriverons-nous à parler, à comprendre et à dépasser le mal qui s’est installé, pour revenir à une relation apaisée et pourquoi pas amicale. A nous de saisir l’invitation de cet évangile pour faire le premier pas vers ceux que nous indisposons, que nous blessons. Mettons ainsi en route le processus du pardon. Essayons d’aimer à la manière du Christ.
Nous savons aussi que quelques personnes vivent des situations odieuses : les victimes d’abus sexuels, de pouvoir, dans l’Eglise ou ailleurs, ceux qui sont victimes d’attentats ou d’actes odieux comme l’actualité judiciaire de ces derniers jours nous donnent à entendre. Comment dépasser le mal fait ? Comment aimer ses ennemis à la manière du Christ ? Au procès de saint Etienne du Rouvray, la sœur du Père Hamel et Guy, une victime de l’attentat, refusent la haine, car elle détruit notre humanité, notre liberté et notre fraternité ont-ils dit. Avec eux, nous sommes au cœur de l’évangile.
Reste la finale de cet évangile qui n’est pas simple à entendre : la mesure dont nous nous servons pour les autres servira aussi pour nous. Par qui ? par les autres ? par Dieu ? Nous le vérifions souvent, si nous sommes fraternels avec les autres, ils le sont aussi avec nous. Dieu nous jugera-t-il sur notre amour du prochain ? Y aura-t-il un jugement dernier ? L’évangile l’affirme, mais sera-t-il comme nous l’imaginons ? Si le Christ est mort sur la croix par amour pour nous, Dieu nous aimera sûrement à la mesure de l’amour de son Fils. Oui, l’évangile est exigeant, parfois difficile à vivre, mais soyons confiants puisque nous avons reçu l’Esprit de Dieu pour le vivre au jour le jour.
Père Jean COURTES